mercredi 15 décembre 2010

Un député UMP missionné par le Premier Ministre travaille à la dépénalisation du proxénétisme !

Le 5 novembre 2010, le Premier Ministre missionne le député UMP Jean-François Chossy « sur l'évolution des mentalités et le changement du regard de la société sur les personnes handicapées. », l’objectif étant « d'identifier par quelles actions concrètes le handicap pourrait être mieux intégré dans une société où il s'est trop longtemps accompagné d'une marginalisation. »

Ô surprise, avant même la fin de ce mois de novembre, Jean-François avait déjà des réponses à apporter. C’est au magazine Elle qu’il les dévoile au grand public, le 22 novembre.

Présenté par le magazine comme un élu qui « se bat aujourd’hui pour un droit à la sexualité pour tous » et qui « planche sur un projet de loi légalisant les assistants sexuels en France », Jean-François Chossy met en avant l’exemple de la Suisse où « il existe des assistants sexuels qui interviennent auprès des personnes handicapées et qui se font rémunérer pour cela ». Evidemment, le député sait que, contrairement à la Suisse, la France est un pays abolitionniste qui refuse de réglementer l’esclavage sexuel. Qu’à cela ne tienne, il propose aussi de « faire évoluer la législation très ancienne sur le proxénétisme et la prostitution ».

A la lecture de cet entretien, plusieurs questions se posent.

1. Si Jean-François Chossy savait déjà ce qu’il fallait faire, pourquoi lui confier une mission ? Peut-être pour mieux légitimer ses positions intenables ? Peut-être pour donner plus de force à des revendications fortement critiquées par des associations de personnes handicapées ? L’association Femmes pour agir, femmes pour le dire écrivait ainsi dès le 30 novembre une lettre ouverte pour dénoncer cette proposition humiliante pour les personnes handicapées : « La question de la pleine sexualité des personnes handicapées doit pouvoir être réfléchie dans un contexte citoyen et digne. Nous ne voulons pas d’une sexualité au rabais ni tarifée, ni condescendante. » Le député le sait bien d’ailleurs puisqu’il précise au sujet de sa proposition de loi : « Je ne parle pas d'amour car on ne peut pas légiférer, je parle du phénomène mécanique de la sexualité. » Belle vision de la relation à l'autre !

2. Pourquoi Jean-François Chossy ne pense-t-il pas la question de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées en la mettant en rapport avec les moyens que notre société aurait à déployer pour rendre réel leur accès à une vie sociale, professionnelle, culturelle et politique ? Sans doute parce qu’il coûte moins cher de laisser croire à des personnes en situation de souffrance et de discrimination qu’elles peuvent tirer profit d’un service marchand qui les transformera d’emblée en esclavagistes sexuels que de construire des politiques publiques à la hauteur des enjeux qui leur permettaient, au même titre que n’importe qui, d’avoir la chance de faire des rencontres amicales, amoureuses ou autres par elles-mêmes dans un rapport d’égalité qui présuppose la liberté de la relation et donc son caractère non-marchand.

3. Enfin, Jean-François Chossy pense-t-il à celles – car il s’agira avant tout de femmes, nous le savons bien, qui seront sacrifiées au nom de la lutte contre la discrimination – qui devront assurer cet « accompagnement sexuel » ? Pense-t-il aux professionnelles du paramédical contraintes de se prostituer pour remplir leur contrat de travail et ne pas être licenciées ? A-t-il déjà prévu de créer des Bap Pro ou des BTS « accompagnement sexuel » ? Veut-il réellement contribuer à banaliser la prostitution et les violences sexuelles par la dépénalisation du proxénétisme, seul moyen de légaliser « l’accompagnement sexuel » ?

Les réponses à ces questions nous diront si le parti présidentiel veut nous préparer une société où certains auraient le droit d’acquérir, entre autres produits de consommation, le corps d’autres êtres humains.

Un important coup de canif au contrat abolitionniste auquel la France a adhéré en 1960, a été porté par le Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, en 2003 avec la loi sur la sécurité intérieure qui pénalise les personnes prostituées, autrement dit les victimes du système prostitutionnel. Aujourd’hui, la Convention des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humaines et de l’exploitation de la prostitution d’autrui pourrait définitivement passer à la trappe si Jean-François Chossy parvient à réaliser ses fantasmes !

Face à ce danger, nous nous positionnons clairement du côté du mouvement abolitionniste qui porte le projet d’une société où les relations humaines sont libres et gratuites. Nous nous positionnons du côté des parlementaires qui, comme Odette Terrade, Nicole Borvo-Seat ou Danielle Bousquet, veulent renforcer la protection des victimes du proxénétisme par la responsabilisation et la pénalisation de ceux sans qui ce système n’aurait aucune raison d’être : les clients prostituteurs.
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L'égalité, c'est pas sorcier !